Il passe la main derrière son dos
La nuit est douce, la lune est pleine
La vie exquise, le moment beau
L’amour cascade dans leurs veines
Le dard transperce, le sang jaillit
La tête se détache et puis roule
Au milieu d’une bande de fourmis
Qui se délectent comme une foule
Ils s’avancent sur la terrasse
On entend les oiseaux du soir
Ils se regardent et ils s’embrassent
Dans un manteau de satin noir
Un flot d’entrailles multicolores
Se répand comme des serpents
Mais une armée de doryphores
Déjà se rue sur l’assaillant
La nuit est si calme, mon amour
Écoute ce silence apaisant
Toutes ces étoiles sur le velours
La nuit est à nous mon amant
La coccinelle est terrifiée
Tente de rejoindre son antre
Mais elle ne peut plus s’envoler
Une guêpe approche et puis l’éventre
Ils admirent leur si beau jardin
Si propre, si net et si joyeux
Ils font des projets, c’est certain
Peut-être l’agrandir un peu ?
Un baiser fougueux et mortel
Unit l’araignée et la mouche
Qui ne fait que vibrer des ailes
Alors qu’elle se vide par la bouche
Sur le balcon, les amoureux
Sont baignés de clarté lunaire
Arrimés les yeux dans les yeux
Ils ne voient pas bailler l’enfer
Sous leurs pieds, sans le moindre cri
La guerre des mandibules fait rage
On émascule, on dévore, on survit
Entre les charniers, les carnages…
A Dino Buzzati.