Le barrage
Le vieil homme est assis sur la pente de terre
Une larme indignée perle sous sa paupière
Le silence est total les oiseaux se sont tus
Lui qu’on traite de fou et de vieux chien obtus
Le toit de sa maison en bas dans la vallée
Les cloches de l’église aux marteaux avalés
Cette rivière joyeuse où il venait pêcher
Va devenir un lac il ne peut l’empêcher
Les premiers mots appris sur les bancs de l’école
Les enfants qui riaient ivres de farandoles
Genoux acidulés aux cascades buissonnières
Les deux pieds dans la boue pour éviter les pierres
Les émois douloureux de ses premières amours
Les baisers maladroits échangés dans la cour
L’autel encore témoin de sa tendre promesse
Et le sourire bien né de sa première princesse
La terrasse du café avec ses vieux amis
Le temps qui s’étirait jusqu’à l’après-midi
Où il aimait venir réchauffer sa mémoire
Les pétales dorés des fleurs de son grimoire
Toute sa vie engloutie pour un peu de lumière
Au nom de ce progrès qui rend les hommes fiers
La lune s’est levée jetant sur les eaux noires
Des reflets d’amertume teintés de désespoir.
Renaud de Hurlevent.